Les drakospita de l’île d’Eubée
Des constructions cyclopéennes au sude de l'Eubée
Au milieu des reliefs du sud de l’île d’Eubée se dressent d’énigmatiques édifices en pierres sèches qui se distinguent par la taille monumentale de leurs blocs. Situés sur les pentes des montagnes autour du village de Styra, ils sont au nombre de huit. Les habitants de la région rapportaient jadis qu’ils auraient été bâtis par des dragons, des géants anthropomorphes à la force surnaturelle. Ce qui explique leur nom de drakospita ou « maisons des dragons », par lequel on les désigne encore aujourd’hui. L’appareil cyclopéen de ces constructions et leur système de toiture en encorbellement ont depuis longtemps éveillé la curiosité des archéologues, mais elles sont encore loin d’avoir livré tous leurs secrets. En l’absence de parallèles antiques, la question de leur datation et de leur(s) fonction(s) reste en effet très débattue.
Fouilles et prospections
C’est pour tenter d’élucider ces mystères que des archéologues de l’École suisse d’archéologie en Grèce (ESAG) et de l’Éphorie des antiquités d’Eubée (EAE) s’affaire depuis 2020 autour de ces constructions énigmatiques. Ce projet ambitionne de faire un bilan des recherches et de collecter de nouvelles données archéologiques. Entre septembre 2021 et avril 2022, une équipe gréco-suisse composée de chercheur-se-s et étudiant-e-s des universités de Lausanne, de Bâle et de Genève, sous la direction de Karl Reber (ESAG) et de Angeliki Simosi (EAE), a réalisé des sondages dans les drakospita d’Ilkizès (2021) et de Palli Lakka (2022). Le but de ces travaux dans le terrain est double : d’une part, clarifier le plan et le mode de construction de ces édifices, d’autre part, récolter du matériel datant pour préciser leur chronologie. C’est sur la base de la céramique découverte en cours de fouille que les archéologues peuvent désormais placer avec assurance la datation des deux monuments dans l’Antiquité. La fonction des drakospita demeure, quant à elle, encore problématique. Réemployées dès la fin de l’Antiquité en bergeries, ces structures ont probablement eu divers usages pendant près de deux millénaires. Mais pourquoi ont-elles été construites ? s’agissait-il à l’origine de bergeries, de lieux de culte, de maisons de carriers ou encore de fermes fortifiés, on l’ignore.
Outre les investigations dans le terrain à Ilkizès et Palli Lakka, les archéologues ont aussi documenté les drakospita de Loumithel, Kapsala, Kroi-Phtocht, Dardhza et Makkou. Grâce à des relevés topographiques et photogrammétriques, les chercheurs disposent maintenant de modèles 3D de ces maisons, qui en faciliteront l’étude.
À terme, les travaux menés par l’équipe gréco-suisse visent aussi à mettre en valeur ces monuments, qui comptent parmi les plus visités de la région, en proposant des informations à destination des touristes.
Pour en savoir plus
K. Reber, The Dragon Houses of Styra: topography, architecture and function. Mediterranean Archaeology & Archaeometry 10, 2010, 53-61.
K. Reber – A. Simosi – M. Chidiroglou – C. Chezeaux – J. André – F. Stavroulaki, Pour une étude renouvelée des Drakospita eubéens. État de la question et résultats des premiers relevés sur le site d’Ilkizès, AntK 64, 2021, 165–175