Un temple de 100 pieds pour Artémis
Pour la quatrième année consécutive, une équipe d’archéologues suisses et grecs a œuvré au cœur du sanctuaire d’Artémis Amarysia (Grèce), où un temple révèle progressivement ses secrets. Particularités architecturales, objets exotiques et traces des origines anciennes du culte comptent parmi les découvertes marquantes de l’été dernier.
Un temple archaïque aux dimensions symboliques
La campagne 2023 dans le sanctuaire d’Artémis à Amarynthos (île d’Eubée, Grèce) a permis le dégagement complet des vestiges d’un temple datant du VIIe siècle av. J.-C. L’édifice réservait plusieurs surprises aux archéologues: un plan en abside, peu courant pour cette période, et une taille plus imposante que prévue. La longueur du temple atteint en effet 34m, correspondant à 100 pieds dans le système métrique grec: cette mesure «parfaite» se retrouve sur d’autres monuments de la même époque.
Des sacrifices à l’intérieur du temple?
Autre découverte surprenante, des foyers ou autels disposés à l’intérieur du temple et non à l’extérieur, comme cela était souvent le cas dans les sanctuaires grecs. Sur ces plateformes en pierres brûlait le feu sacrificiel, consumant les portions des victimes animales offertes aux dieux. D’épaisses couches cendreuses, riches en ossements calcinés, en témoignent. La fumée des sacrifices devait sans doute s’échapper par des ouvertures ménagées dans le toit.
L’équipe de recherche
En 2023, la fouille a rassemblé plus de 50 archéologues, conservateurs-trices, spécialistes et étudiant-es de Suisse, de Grèce et d’autres pays. Le projet de recherches à Amarynthos est une collaboration entre l’École suisse d’archéologie en Grèce et l’Éphorie des Antiquités de l’Eubée. Il est co-dirigé par Sylvian Fachard, directeur de l’ESAG et professeur ordinaire à l’Université de Lausanne, et par Dr. Angeliki G. Simosi, ancienne Éphore des Antiquités d’Eubée, actuellement Éphore des Antiquités du Pirée et des Îles. Les travaux de terrain se sont déroulés sous la direction conjointe de Tobias Krapf et Tamara Saggini, du côté suisse, et d’Olga Kyriazi du côté grec.
École suisse d’archéologie en Grèce (ESAG)
L’ESAG est la seule mission archéologique suisse permanente hors des frontières nationales. Lieu de formation et de recherche interuniversitaire, l’ESAG encourage la relève académique. Les étudiants des universités suisses ont la possibilité de prendre part chaque année aux activités de terrain et de musée.
Offrandes exotiques
Comme les années précédentes, les fouilleurs de cet été ont exhumé un grand nombre d’offrandes : vases, pièces d’armement, bijoux… Plusieurs objets exotiques sortent du lot, parmi lesquels une tête en ivoire finement ciselée, aux traits égyptiens. Méconnaissable à peine sortie de terre, elle a été minutieusement restaurée pour qu’apparaisse la qualité de sa réalisation.
La longue histoire du sanctuaire
Au fil des fouilles, l’histoire du sanctuaire se précise. Des traces d’incendie suggèrent que le temple «de 100 pieds» fut partiellement détruit par le feu, dans la seconde moitié du VIe siècle av. J.-C. ; provisoirement réaménagé à l’aide de murs en terre crue, il fut ensuite remplacé par un nouvel édifice, à la fin du siècle.
Des sondages profonds ont en outre livré les vestiges de périodes plus anciennes : un bâtiment pouvant dater du IXe ou du VIIIe siècle av. J.-C., plusieurs figurines d’animaux en bronze de la même époque et une tête de taureau en terre cuite remontant à la fin de l’Âge du Bronze. L’exploration des niveaux anciens n’en est qu’à ses débuts, mais les découvertes faites à ce jour semblent déjà confirmer que le culte d’Artémis à Amarynthos plonge ses racines dans la préhistoire du site.
Amarynthos préhistorique
Le sanctuaire se trouve en effet au pied d’une colline occupée à l’Âge du Bronze. Sur les flancs de cette dernière, les fouilles ont révélé l’existence de murs imposants, appartenant probablement à une système de fortification construit au IIIe millénaire av. J.-C. L’existence d’Amarynthos à la période mycénienne (seconde moitié du IIe millénaire av. J.-C.) est par ailleurs attestée dans les archives du palais mycénien de Thèbes, en Béotie voisine. Les vestiges de l’Amarynthos préhistorique, encore visibles lors du développement du sanctuaire, contribuaient assurément à rendre le lieu attractif : il y avait là de quoi alimenter les récits, tels ceux d’Homère, sur un passé héroïque dont les Grecs d’alors se réclamaient.
Le sanctuaire dans le paysage antique
Parallèlement aux fouilles, des prospections ont été conduites dans la région d’Amarynthos. Les archéologues cherchent ainsi à comprendre comment le sanctuaire s’intégrait dans le paysage antique, en étudiant l’environnement naturel, la distribution de l’habitat, les surfaces agricoles, les nécropoles, les carrières, de même que le réseau de communications. Ce dernier devait notamment comprendre une « voie sacrée » reliant le sanctuaire d’Amarynthos à la ville antique d’Érétrie.
Après la fouille, l’étude
Après plusieurs années d’intense activité sur le terrain et une série de découvertes spectaculaires, le temps est à l’exploitation des données récoltées. Une équipe de spécialistes internationale contribue à cette étape de la recherche. Archéozoologues et archéobotanistes identifiant des milliers de fragments d’os et de restes végétaux, experts analysant au microscope les couches prélevées lors de la fouille, céramologues, architectes, etc. : l’enquête sur Artémis se poursuit désormais en laboratoire.
ARTÉMIS, LE TEMPLE PERDU
Le documentaire « Artémis, le temple perdu », réalisé par Sébastien Reichenbach, produit par Climage Audiovisuel, en co-production avec la RTS, ARTE et l’ESAG est visible sur Play RTS durant une période limitée.
Le film retrace la découverte du sanctuaire d’Artémis Amarysia à Amarynthos, l’une des plus spectaculaires découvertes archéologiques faites en Grèce depuis 30 ans.