Phulè Admètis: une nouvelle tribu à Erétrie
Un nouveau document sur les institutions et les cultes de l'Erétriade
Conférence de Denis Knoepfler et Guy Ackermann, Paris, Institut de France, 25 mai 2012.
Sur le site de la ville d’Érétrie en Eubée, exploré depuis 1964 par l’École suisse d’archéologie en Grèce, la fouille en cours d’un établissement thermal d’époque impériale romaine a livré, dans l’été 2011, quatre fragments jointifs d’une stèle inscrite remontant au début du IIIe siècle avant J.-C.
Il s’agit de la moitié supérieure d’une liste de souscripteurs qui ont tous versé le même montant en vue, probablement, de la réfection d’un sanctuaire. L’importance du document tient au fait que cette souscription est organisée dans le cadre de l’une des (six) phulai ou tribus de la cité, avec la mention de diverses magistratures. Or, le nom de cette unité politique était inconnu jusqu’ici : c’est la tribu d’Admètos, phulè Admètis. Mais l’intérêt de l’inscription est encore sensiblement accru par le fait que les souscripteurs se trouvent rangés par dèmes, c’est-à-dire par villages. Les noms de six de ces dèmes se lisent sur la pierre : Kômaieis, Kotulaion, Lakè, Orôpos, Smithous, Histiaia. Au vu de la documentation épigraphique, ces six dèmes constituaient – avec une demi-douzaine d’autres mentionnés à coup sûr dans la partie manquante de la liste (ainsi Tamynai, Boudion, Péraia) – une unité politique de caractère non géographique. On voit donc désormais que cet ensemble n’était autre que la tribu Admétide.
D’autre part, le géographe Strabon atteste que le héros Admète, quoique d’origine thessalienne, était honoré dans le territoire même d’Érétrie en tant que fondateur du sanctuaire d’Apollon à Tamynai, dème de l‘Admétide, précisément. C’est donc dans cette région de l‘Erétriade, près du bourg médiéval et moderne d’Avlonari, qu’il faut chercher la « patrie » de l’Admète eubéen. Dès lors, il paraît clair que chacune des tribus était rattachée à un grand sanctuaire de la ville ou du territoire. On ne peut plus douter, en particulier, que la Narkittide, ou tribu de Narcisse l’Érétrien – récemment mise en lumière – n’ait eu pour centre, elle, l‘Artémision d’Amarynthos, objet aujourd’hui de toute l’attention de l’École suisse et de l’Ephorie grecque.
M. Denis Knoepfler, associé étranger de l’Académie, est professeur au collège de France.
M. Guy Ackermann est assistant d’archéologie classique à l’Université de Lausanne.